Dominique SYLVAIN : Guerre sale

Dominique SYLVAIN : Guerre sale

Polar Collection Chemins nocturnes. Editions Viviane Hamy.

Dominique SYLVAIN : Guerre sale. Collection Chemins nocturnes. Editions Viviane Hamy.

C’est une bien sale affaire qui échoit à Sacha Duguin, promu commandant à la criminelle sous les ordres d’Arnaud Mars, lequel l’a préféré à la non moins compétente Emmanuelle Carle. Le cadavre carbonisé d’un homme a été retrouvé sous le plongeoir de la piscine olympique de Colombes dans la proche banlieue parisienne et les gendarmes se sont débarrassés promptement de l’enquête. L’homme dont l’identité va être bientôt révélée, a été assassiné, un pneu passé au tour du cou et menotté. De l’essence, une allumette et en un rien de temps il est devenu un brasier vivant. Un meurtre qui sent, outre le caoutchouc brûlé, le souffre car Florian Vidal, tel est son nom, vivait dans l’ombre de Richard Gratien, avocat d’affaires spécialisé dans les contrats d’armement. Florian Vidal, issu d’un milieu très modeste, a débuté sa carrière comme chauffeur de Gratien, puis peu à peu est devenu son assistant, son bras droit, son ami. Sa femme Nadine, pénaliste elle-même, n’appréciait guère cette entente confinant presque parfois à des rapports père fils entre les deux hommes. Richard Gratien, connu aussi sous le sobriquet de monsieur Françafrique, a partie liée avec Candichard, un ex-ministre dont l’espérance de se présenter aux présidentielles est annihilée par une vague histoire de rétro commission. Le portable amélioré de Vidal est retrouvé au fond de la piscine. Inutilisable, la puce s’étant volatilisée dans la nature. Mais il est bien connu que les puces n’apprécient pas le contact de l’eau javellisée. Ce qui n’arrange guère les services de police. Le meurtre de Vidal est similaire à celui de Toussaint Kidjo, un officier de police, survenu cinq ans auparavant.

Lola Jost qui a pris sa retraite depuis un an, lasse de sa fonction de commissaire, est prévenue par un de ses anciens collègues. Or Kidjo, sous un air angélique (je ne pouvais pas la manquer celle-là !) appartenait à son service et Lola n’a toujours pas digéré ce meurtre. En compagnie d’Ingrid Diesel, masseuse le jour et danseuse nue dans un cabaret la nuit, et de Sigmund, un chien dalmatien qui leur a été confié par son propriétaire parti se reposer au soleil, Lola s’immisce dans l’enquête dirigée par Sacha Deguin. Au grand dam de celui-ci. Mais Lola est opiniâtre, persévérante. Son sens de l’enquête, elle n’a pas été commissaire pour rien, l’amène parfois à précéder Duguin dans ses recherches et ses intuitions. Bon gré mal gré ils deviennent obligés, avec l’accord tacite d’Arnaud Mars, à collaborer, à échanger leurs informations. Remontant le temps et les connaissances de Gratien et de Kidjo, ils découvrent qu’un célèbre journaliste du Congo-Kinshasa, Norbert Konaté, a été assassiné quelques mois avant la mort de Kidjo en ayant le temps de remettre à celui-ci un paquet. Konaté aurait été en possession de carnets secrets appartenant à Gratien. Et qui dit secret dit brûlot. Des carnets convoités par le juge d’instruction Sertys. Et quand la DCRI, qui est le mariage arrangé entre les RG et la DGSE, le FBI français, s’en mêle, on ne peut que s’attendre à des embrouilles supplémentaires.

Après un premier chapitre qui ressemble à une feuille de laurier dans un plat de poulet, feuille que l’on jette et dont on se rend compte plus tard que cet ingrédient avait son importance, Dominique Sylvain nous entraîne dans une histoire alambiquée à souhait, comme un puzzle dont toutes les pièces s’emboitent à la perfection à la fin, sauf une qui est manquante. En effet l’épilogue est traité comme une fin ouverte laissant au lecteur le loisir d’imaginer une suite, un prolongement que l’auteure nous livrera peut-être dans un prochain roman. Les moments de décompression nous sont fournis par Ingrid Diesel, une Américaine dont le français est parfois approximatif. Ce qui nous réserve quelques dialogues savoureux. Dominique Sylvain n’est pas avare de bons mots, de petites phrases bien senties, de métaphores hautement jouissives. Ainsi : « La caste des hauts fonctionnaires a remplacé la noblesse de Louis XIV, en reprenant les mêmes mauvaises habitudes. On dépense sans compter, on ne se remet jamais en question et on gouverne de haut ». Ou encore : « Quand la vie dénichait une victime de choix, elle ne détestait pas s’acharner ». Une petite dernière pour la fin ? « Quelque chose me dit qu’une rétro commission n’a rien à voir avec le fait de faire ses courses dans les années cinquante, ajouta Ingrid ». Quant au titre, ne peut-on penser qu’il s’agit d’un pléonasme, une guerre étant par définition sale, sauf la guerre en dentelle, et encore.

Vous pouvez retrouver un entretien avec Dominique Sylvain sur Bibliosurf.

Paul Maugendre

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