Nils Frahm - Felt.

Un pianiste et un piano au XXIème siècle.

Le pianiste et compositeur allemand Nils Frahm est rapidement devenu l’un des plus grands noms de la scène contemporaine, ses deux premiers longs formats sortis en 2009 ayant fait l’unanimité au sein des critiques, spécialisées ou non. Sa capacité à systématiquement équilibrer simplicité et minimalisme à des arrangements complexes et enchanteurs lui permet de s’extraire de la masse des pianistes actuels, pour s’élever et évoluer dans des sphères que le commun des mortels est sobrement invité à contempler : celles des génies.

Le berlinois n’a pas seulement le talent d’un simple pianiste, mais fait partie de ce cercle restreint de compositeurs qui parviennent à faire de chaque oeuvre une composition unique et singulière. Felt apparait comme l’une de ses pièces les plus ambitieuses et conceptuelles. Son nom provient des chutes de draps qu’il utilisa lors de la composition de l’album, et dont il se servit pour emmitoufler les marteaux de son piano afin d’attenuer le choc entre ces derniers et les cordes frappées. Ayant pour habitude de composer la nuit, il s’assurait ainsi de ne pas importuner les gens vivant dans son immeuble. Une sorte de voisin idéal.

Au delà de ces bouts de tissus, une série de microphones ont été installés autour de Frahm et à l’intérieur de son piano, dans le but d’enregistrer le fonctionnement interne de l’instrument ainsi que n’importe quel bruit additionnel pouvant accompagner le pianiste dans son oeuvre, comme sa respiration ou le bruit de ses doigts contre les touches. L’intimité qui en découle invite le public dans un salon berlinois, qu’on imagine haut de plafond et de murs faits de béton nus. 

Felt est un album qui résonne avec son temps, une période trouble et agitée où cette modération éthérée sonne comme un murmure nous invitant à lâcher prise, à prendre le temps à défaut que lui nous prenne. Et c’est peut-être ça, au final, la force de cette petite heure de musique, l’écouter sans l’entendre, l’oublier, puis se laisser rattraper, perdre le contrôle.  

Quand cet album est sorti en 2011, la réputation de l’allemand était déjà faite. Mais personne ne s’attendait à ce que l’on assiste, médusés pour la plupart, à ce qui s’apparentera quelques années plus tard à l’une des plus grandes oeuvres de piano de la décennie. Nils Frahm est parvenu à créer une pièce unique, une oeuvre qui nous rend tous humble et reconnaissant d’évoluer à la même époque qu’un maestro.