Frances FYFIELD : Mort sur mesure

(Blood from stone – 2008 ; traduction de Hubert Tézenas) Collection Sang d’encre, Presses de la Cité.

Frances FYFIELD : Mort sur mesure. (Blood from stone – 2008 ; traduction de Hubert Tézenas) Collection Sang d’encre, Presses de la Cité.

Il suffit d’être au bon moment au bon endroit pour obtenir un scoop intéressant. C’est ce qui arrive à Paul Bain, photographe, qui baguenaude dans les rues de Londres et aperçoit une femme, attifée d’une jupe bariolée, assise sur la rambarde du balcon d’une chambre d’un hôtel luxueux. Et surtout à son saut dans le vide jusqu’à ce qu’elle s’écrase sur le bitume. Apparemment elle n’a pas été poussée dans le vide, il s’agirait donc d’un suicide. Hypothèse alléchante que Thomas Noble et Peter Friel, deux anciens collègues de la défunte, hésitent à confirmer. En effet pour quelle raison Marianne Schearer se serait-elle jetée dans le vide, sans laisser un mot d’explication, et qu’elle ne connaissait aucun problème professionnel ? Marianne Shearer était avocat et sa dernière affaire s’était soldée décevante pour la plaignante mais le prévenu, son client, avait été acquitté. Richard Boyd était accusé d’enlèvement, de séquestration, de viol, de mutilations graves envers trois jeunes femmes, naïves, pas très futés et physiquement guère avantagées par la nature. Marianne Shearer s’était montrée aussi perverse que son client, faisant traîner le procès en longueur, obtenant que deux des accusatrices retirent leurs plaintes. Seule Angel s’est présentée devant le juge mais elle avait été laminée par l’avocate et avait préféré se suicider après le verdict. Thomas Noble est l’exécuteur testamentaire de Marianne Shearer, et cela ne devrait lui poser aucun problème car pour seule famille elle ne possédait qu’un frère. Et de toute façon il n’y a pas grand-chose à redistribuer. Quelques cartons dans lesquels sont entassés des minutes du dernier procès ainsi qu’un sac contenant les affaires qu’elle portait au moment de son décès. L’appartement qu’elle venait d’acheter était loin d’être payé et il était quasiment vide. Seulement Rick Boyd le relance dans son cabinet, lui demandant de récupérer des papiers personnels, des trucs qu’il aurait confié, des enregistrements, des confidences qu’elle aurait gardé par devers elle. Noble congédie assez sèchement le jeune homme qui se montre tour à tour pleurnichard, autoritaire, vindicatif, exigeant, déclarant aimer Marianne. Une attitude qui indispose Noble lequel relate l’entretien à son ami Friel. De plus les deux hommes ne comprennent pas pourquoi Marianne Shearer portait ce jour là une jupe bariolée, alors que d’habitude elle s’habillait d’une façon stricte, sobre, neutre, le plus souvent en pantalon noir. Friel est abordé dans le train qui le ramène à Londres par Henrietta, la sœur d’Angel qui revient de chez ses parents. Ceux-ci sont propriétaires d’un garde-meubles sur la côte et leurs relations sont plutôt distendues. Henrietta est une spécialiste de la récupération de vieux vêtements, même usés et les transforme en nouvelles tenues ou accessoires qu’elle propose via un site. De quoi alimenter les incertitudes sur les causes du suicide de Marianne, s’il s’agit bien d’un suicide.

Cela faisait longtemps que je n’avais pas lu un roman de Frances Fyfield, le dernier étant Ombres chinoises paru dans la même collection, ce qui nous ramène allègrement plus de dix ans en arrière. J’en avais dévoré six autres auparavant parus aussi bien aux Presses de la Cité que chez Robert Laffont et Calmann-Lévy, et j’en avais gardé le souvenir de lectures agréables. Aussi ce livre m’est apparu comme la rencontre avec un ami perdu de vue depuis longtemps et que l’on retrouve avec plaisir. Mort sur mesure ne m’a pas déçu, au contraire, et ce que je ne savais pas, ou que j’avais oublié, c’est que l’auteur est juriste de formation. Ce qui donne indéniablement une authenticité à ses personnages, une épaisseur véritable. Mais on ne peut ressentir qu’aversion à l’encontre de Marianne Shearer, à la lecture des interrogatoires auxquels elle soumet par exemple la pauvre Angel. Une avocate retorse, (mais ne le sont-ils pas tous un peu ?) sinon ils ne pourraient pas exercer leur profession avec succès pour leurs clients, même si ceux-ci ne sont pas innocents comme l’agneau qui vient de naître. Et comme j’aime bien relever les petits détails qui donnent du piquant, j’aimerai bien qu’on m’explique comment lors de l’échange d’une poignée de mains, un individu peut meurtrir la paume de son interlocuteur avec son pouce (page 78). Mais comme je l’ai écrit, ce n’est qu’un détail. Et je retrouverai volontiers Frances Fyfield pour d’autres aventures.

Paul Maugendre

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