Sylvie ROUCH : Décembre blanc

Edition Pascal Galodé.

Sylvie ROUCH : Décembre blanc. Edition Pascal Galodé.

Alors que certains auteurs s’échinent à pondre 500, 600, voire 700 pages, à croire qu’ils sont payés comme les feuilletonistes du XIXème siècle à la ligne, Sylvie Rouch en 220 pages écrit sans fioritures, sans graisse superflue, et donne l’illusion de raconter une histoire de longue haleine. Sylvie Rouch est une minimaliste et elle le revendique en tant qu’excellente nouvelliste. Malheureusement elle est trop rare.

Un groupuscule, inconnu des services anti-terroristes et qui s’intitule les Brigades d’Allah, agresse en plein Paris des femmes d’origine musulmane en les vitriolant. Ces islamistes radicaux, qui circulent en moto, accusent les imans formés sur le territoire de pactiser avec l’Occident et l’ennemi Juif. Le commandant Simon Bedecker, son équipe, ainsi que sa collègue Edwige Lamarche surnommée GI Jane sont sur la brèche mais pour l’heure ils pataugent dans la semoule. Rien à se mettre sous la dent, pas le moindre petit début d’indice. En ce mois de décembre, la neige recouvre Paris, c’est joli, sauf pour les SDF. Une nouvelle victime est à ajouter aux deux précédentes déjà recensées. Il s’agit de Tania Achaoui, journaliste d’investigation pour Bakélite, un journal qui combat le machisme. A la tête de Bakélite, Black élite comme l’a graffité un plaisantin en dessous de la plaque ornant l’entrée, Réjane Anderson une universitaire que rien ne démonte. Bedecker et ses hommes sont toutefois dubitatifs. Selon les témoins les vitrioleurs conduisaient une moto de marque concurrente et la composition du produit est sensiblement différente que celui utilisé dans les cas précédents. Tandis que Réjane Anderson est contactée par une mystérieuse madame Fougère qui lui remet un tract islamophobe, Bedecker s’attache à remonter le parcours de Jamel, le jeune frère de Tania, qui possède un casier judiciaire trop conséquent pour être honnête. Et de toute façon aucune piste n’est à négliger car Fehlman, le nouveau directeur du service qui se montre volontiers cynique, exige des résultats. Rapidement. Et bien évidemment il martèle des propos tenus en haut lieu, sans essayer de démêler le vrai du faux, axant sa priorité sur l’arrestation de présumés terroristes qui fomenteraient des attentats aveugles. Pour lui les coupables sont tout désignés, il n’y a plus qu’à les arrêter.

Si Sylvie Rouch propose une énigme à double détente intéressante et habilement construite, elle s’attache surtout aux personnages, sur leurs relations, professionnelles ou familiales, leur donnant une véritable épaisseur en peu de mots. Des policiers perturbés dans leur vie privée, ou qui se révèlent machistes, une journaliste féministe mais pas obtuse, et d’autres qui grenouillent profitant de la phobie actuelle. Une étude de caractères qui s’intègre dans l’actualité et il est difficile de ne pas penser à l’affaire des Roms, à leur expulsion saluée par une grande majorité de Français qui pourtant se déclarent non racistes. Mais on pourrait évoquer d’autres affaires qui aliment les médias, et dont le ministre de l’Intérieur et ses collègues du gouvernement se font des gorges chaudes. Et qui dire des petits coups de griffes portés ça et là comme les mésaventures des automobilistes de l’A84 bloqués par la neige alors que la Francilienne bénéficie des faveurs présidentielles. Sylvie Rouch truffe son roman de quelques références discographiques de Gossip à Bob Dylan en passant par Joe Cocker, Youssou N’Dour et Neneh Cherry et quelques autres, ce qui démontre son éclectisme musical.

Sylvie Rouch, pour la petite histoire, fut à l’origine avec quelques comparses dont moi-même à l’origine du festival Les Visiteurs du Noir de Granville qui se déroulait fin janvier, et elle en fut l’une des chevilles ouvrières efficaces. Enfin elle a obtenu le prix Jean Follain, le premier du nom, décerné par l’association Lire à Saint-Lô en 1993 pour Le canard à trois pattes publié aux éditions de la Bartavelle ainsi que le Prix Polar dans la ville 2006 de Saint Quentin en Yvelines pour Corps-morts édité par Après la lune.

Paul Maugendre

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