Jean-François COATMEUR : Une écharde au cœur

Polar Collection Spécial Suspense. Editions Albin Michel

Jean-François COATMEUR : Une écharde au cœur.

Alors qu’il revient à son domicile à Coulaines près du Mans, après deux ans et demi d’absence, Gwen ne se sent pas à l’aise de même que sa femme Nicole qui accueille ce retour avec détachement. Sa petite fille Justine le reconnait à peine. Seul Argo le chien lui montre des signes de joie manifestes à le revoir. Quant à Antoine, le fils que Nicole a adopté lors de son précédent mariage, il n’est pas là. Si Gwen vient de passer deux ans et demi en prison, c’est justement à cause d’Antoine qui à l’époque n’avait que quinze ans. L’homme et l’enfant ne se sont jamais vraiment bien entendus. Gwen ancien médecin militaire se montrant trop sévère, trop rigoureux envers l’enfant qui n’avait jamais accepté le remariage de Nicole. Nicole lui apprend aussi que Guillaume, leur voisin septuagénaire, et parrain d’Antoine, suite à des problèmes de santé, a préféré finir sa vie dans une maison de retraite. Gwen, n’ayant plus rien à espérer à Coulaines auprès de sa femme Nicole, tous deux envisageant le divorce, décide de s’installer dans la maison familiale héritée de ses parents à Pouldavid, près de Douarnenez. Arrivé non loin de chez lui, accompagné du fidèle Argo, Gwen aperçoit dans ses phares une jeune femme enveloppée dans des vêtements de récupération. Mara explique qu’elle avait eue envie de se baigner, il était vingt deux heures passées, dans une petite crique, qu’on avait tenté de la noyer, qu’elle avait réussi à mettre son agresseur en fuite mais qu’elle n’avait pas retrouvé sur la plage ses effets ni son sac contenant ses clés. Elle ne pouvait donc plus utiliser sa voiture garée en haut de la falaise et s’était résignée à faire du stop, mouillée, habillée de son seul maillot de bain et d’une tenue empruntée à un épouvantail. Gwen sent que Mara ne lui dit pas l’exacte vérité mais il l’emmène toutefois chez lui et lui propose l’hébergement. Mara ne peut pas ou ne veut pas retourner chez elle, et surtout elle est affolée à l’idée d’effectuer une déclaration auprès de la police. Peu à peu le lendemain elle rectifie le tir et dévoile une autre version moins édulcorée. Gwen a du mal à démêler le vrai du faux mais peu à peu il apprivoise son hôtesse. Elle raconte alors une histoire qui semble encore plus invraisemblable que sa première fable, pourtant les accents de sincérité de Mara font fléchir Gwen. Il décide de l’héberger autant qu’elle voudra et récupère dans la voiture de la jeune femme son sac et les clés de son appartement. Mara consent à dévoiler qu’en réalité elle avait rendez-vous avec son amant, dont elle ne connait que le prénom, Yvan, et n’en établit qu’une description assez vague. Gwen lui se refuse à se confier, préférant garder pour lui ses secrets. Par exemple la disparition d’Antoine et l’anxiété de Nicole, les divagations de Guillaume qui demande sa présence puis se montre désagréable comme pris de folie lorsque Gwen se rend à son chevet.

Deux êtres que le destin a malmené, renfermés sur eux-mêmes mais qui peu à peu vont apprendre à se connaître, et à s’apprécier, déjouant les pièges qu’un inconnu glisse sous leurs pas, leur vie étant en danger au fur et à mesure que Gwen avec obstination remonte le filet de cette énigme qui s’avère une machination diabolique, tels sont les deux personnages principaux que Jean-François Coatmeur met en scène avec son habilité habituelle. Il tisse sa toile avec malignité, dévoilant peu à peu, comme avec réticence, les pans de la toile et le lecteur est subjugué, grillant d’impatience, tournant les pages avec fébrilité, pressé de voir affiché le mot épilogue. Qui est double d’ailleurs.

Jean-François Coatmeur, natif de Pouldavid sur mer et Breton dans l’âme n’a que rarement transporté ses lecteurs en dehors de sa Bretagne. Il trouve dans cette région les plus beaux thèmes de ses romans et ceci depuis 1963, date à laquelle parait son premier ouvrage au Masque Chantage sur une ombre. Maître incontesté du suspense, Jean-François Coatmeur n’a en rien perdu de son efficacité dans la trame de ses intrigues pour notre plus grand plaisir.

Paul Maugendre