Jacques BULOT : Le gène du perce-neige

Polar Editions du bout de la rue. Préface de José Bové.

Jacques BULOT : Le gène du perce-neige. Editions du bout de la rue. Préface de José Bové.

Mais quel mystère se cache sous ce titre énigmatique ? Tout simplement des tests effectués par des laboratoires scientifiques spécialisés dans l’agriculture. Laissons Jacques Bulot nous décrire cette procédure : « Ainsi le perce-neige, la charmante fleur printanière, produit-elle la lectine GAN, du nom latin Galanthus Nivalis. Insérée dans le génome de la pomme de terre, elle permet à la plante de synthétiser des protéines capables de tuer insectes et parasites ravageurs. Baptisé patatogm par des chercheurs quelque peu irrespectueux, ce fleuron de la biotechnologie défrayait la chronique ».

La BioTrans-Recherches s’est installée au cœur de la Brenne et au départ les édiles furent fort contents de cette implantation qui aurait dû permettre de résorber une petite partie du chômage local. Hélas, ils durent déchanter rapidement car tout le personnel, des chercheurs jusqu’aux vigiles furent amenés dans les bagages du directeur. C’est la découverte d’un corps mort au bord de la route non loin des bâtiments de la BTR qui va presque tout déclencher. L’homme est habillé de vêtements d’été, des charentaises aux pieds, squelettique, le visage émacié, alors qu’il gèle à pierre fendre. L’épicier qui se rend chez ses clients effectuant sa tournée habituelle pense qu’il s’agit d’un poivrot mort de froid. Mais bien vite les premières constatations démontrent que l’inconnu n’était pas sous l’emprise de l’alcool, et n’avait pas été assassiné. C’est dans ce contexte que Charles Germont, généticien spécialisé dans la recherche sur les OGM, travaille dans un laboratoire de la BTR. Le même matin de la découverte macabre, il est convoqué par le directeur de BTR, lequel s’est fait remonter les bretelles par le big-boss américain. Faut se mettre aussi à la place du patron de BTR. La société a été absorbée par la Worldseed-Biotech Corporation, numéro deux sur le marché des OGM après Monsanto. Simpson, qui préside le conseil d’administration de la WBC est également le directeur de publication d’une prestigieuse revue internationale, World Genetics. Et Simpson est en colère contre Germont qui lui a proposé un article relatant ses expériences sur des rats. L’article en question affirme que les pommes de terre bidouillées affectent les organes des rats, induisent un ralentissement significatif de leur croissance, que le revêtement de l’estomac et de l’intestin grêle a une épaisseur double que ceux des rats qui ont échappé à cette nourriture, et pire, qu’il y aurait des morts. Bref un article impubliable ne serait-ce que déontologiquement vis-à-vis des actionnaires qui attendent avec impatience leur manne financière. Et Delorge, le directeur de BTR, est sommé de faire le ménage et remettre son chercheur sur le bon chemin. Les intimidations envers Charles Germont commencent, sans gros bobos mais de quoi faire réfléchir quand même. Entre Mado et Charles les atomes crochus se resserrent de plus en plus. Charles est marié, un enfant, vit dans une belle maison payée grâce à l’argent de la BTR, mais il ressent une vive attirance envers la belle chercheuse qui vit seule. Aussi il se confie envers la jeune femme qui lui propose de contacter son ex, Fred Vernon Sullivan, d’origine irlandaise, qui exerce la profession de journaliste free-lance. Fred, qui revient de Pékin après avoir enquêter sur une sombre affaire de transplantations, accepte cette mission par amitié mais il rend vite compte qu’une milice privée travaille en sous-main. Les accidents se succèdent, accidents qui ne sont pas dus à la fatalité.

Dans cet ouvrage, Jacques Bulot prend le prétexte d’une énigme policière pour mieux nous montrer comment agissent les firmes multinationales spécialisées dans la recherche transgénique, dans les laboratoires scientifiques dédiés à l’agriculture, chez les semenciers et autres organismes qui se chargent de proposer, imposer même, des aliments soi-disant sains afin de réduire la faim dans le monde. Mais drôle de raisonnement toutefois que de rendre les plantes stériles afin d’empêcher ce qui ce pratique depuis la nuit des temps : le troc de graines entre agriculteurs et jardiniers. Et Jacques Bulot, qui possède de sérieuses connaissances scientifiques et a appartenu au CNRS, n’invente rien, ou presque. Il s’inspire de l’affaire Arpad Putzai, chercheur réputé qui a publié de nombreux articles sur les lectines, ces protéines végétales présentes notamment dans les légumineuses, les céréales et les pommes de terre. Or ses recherches et ses conclusions, issues de ses expérimentations sur les rats, ont défrayé la chronique. Suspendu de ses fonctions et interdit de s’exprimer en public, il reçoit toutefois le soutien de quelques chercheurs, ce qui ne suffit pas. Cela se passait en 1998, mais aucun de ses détracteurs n’a fourni la preuve qu’il se trompait dans ses assertions. Un livre indispensable pour comprendre les pratiques et savoir ce que l’on nous propose dans nos assiettes. Peu à peu le voile se lève mais les laboratoires scientifiques comme Monsanto, Bayer, BASF et autres imposent leurs produits et certains technocrates ou hommes politiques siégeant à Bruxelles, par exemple, suivent leurs recommandations. Du solide contre du liquide ?

Paul Maugendre