Raphaëlle ADAM : Chasse au trésor

Polar Pascal Galodé éditeurs

Raphaëlle ADAM : Chasse au trésor. Pascal Galodé éditeurs.

Cela faisait vingt et un ans que Paul, professeur d’histoire dans une université d’Ohio, n’avait pas eu un contact quelconque, ou même des nouvelles, avec Plume de corbeau. Un mail dans sa boîte aux lettres et ce sont les souvenirs, bons ou mauvais, qui affluent tels des nuages d’orage lors d’une tempête tropicale. Franck et Joe, reçoivent eux aussi un message similaire les invitant à une chasse au trésor. Franck réside à Sacramento et végète dans un cabinet d’architecte, tandis que Joe est installé à Dallas et vit en compagnie d’Angela qui fut sa psychiatre des années auparavant alors qu’il avait des pulsions de suicide. Paul, l’Encyclopédie, Franck l’Eclaireur, Joe l’Ingénieux, tels étaient leurs surnoms à l’époque où adolescents ils se fréquentaient assidument dans la petite ville de Cottenbourg dans le Kansas. Partageaientt leurs jeux, Eddie alias Plume de corbeau, la seule fille du groupe, et Tim l’Intrépide qui aujourd’hui n’est plus. Paul, Franck, Joe, Tim et Eddie, l’Hispanique étaient inséparables et s’amusaient à la recherche de trésors sur des pistes concoctées par Tim. C’était le bon temps jusqu’au jour du drame. Peu après ils avaient été séparés, déménagement ou autre, et avaient suivi des voies divergentes se perdant de vue. Alors, qu’aujourd’hui Plume de corbeau les contacte, en cette année 1990, et leur propose une chasse au trésor en Louisiane afin de se retrouver et d’évoquer le bon vieux temps, cela émoustille nos trois protagonistes. Paul, Franck et Joe sont accueillis par Eddie, plus resplendissante que dans leurs souvenirs, il est vrai qu’elle a bien changé et changé en bien, la petite Plume de corbeau de leur jeunesse. Elle les accueille donc en haut du perron de CypreyHall, une immense bâtisse coloniale, une demeure historique datant des années 1720. Le premier propriétaire, concepteur de cette résidence garnie de meubles d’époque, est décédé tragiquement en 1734. Alice MacBride, qui n’avait pas d’héritiers directs, et dernière descendante de cette lignée de coloniaux ayant possédés champs de cotons et esclaves noirs dans la plus pure tradition louisianaise, a légué cette ancienne plantation à Eddie, l’infirmière qui s’est occupée d’elle durant les dernières années de sa vie. Un remerciement de valeur dont elle veut faire profiter ses anciens amis en organisant cette fameuse chasse au trésor. Elle leur fait visiter le domaine, les bayous, le village des esclaves, et dévoile une partie de son plan : retrouver les souterrains qui reliaient différents sites.

Trois époques qui s’interfèrent composent la trame de ce roman dont l’atmosphère adroitement et astucieusement décrite happe le lecteur. Les retrouvailles entre les différents membres de cette bande d’adolescents séparés par une fracture pas forcément indépendante de leur volonté, leurs années de joyeuse insouciance entre 65 et 69 jusqu’à cette séparation, le mystérieux drame qui se déroula en 1734, tout est dévoilé peu à peu, progressivement, subtilement, jusqu’à l’épilogue ou plutôt les épilogues de ces trois tranches de vie. Un panachage de trois destinées qui se chevauchent, s’entremêlent, se superposent, se complètent, pour le plus grand plaisir du lecteur. Comme une tranche napolitaine dans laquelle dominent le rose, le vert et le noir. Le rose de la jeunesse et de l’insouciance, le vert de l’espérance et de la flore, et le noir de la mort. Si la note exotique avec description des bayous est quasiment occultée, celle de l’esclavagisme est présente, avec le rappel du Code Noir datant de 1685 dont le but premier était d’interdire le mariage et le concubinage interraciaux et qui fut adapté par Louis XV en 1724 pour la Louisiane.

Et quand on vous dit que les Américains ont un siècle d’avance sur les Européens, ce n’est pas une affabulation. La preuve, le père de MacBride, le bâtisseur de CypreyHall, cette magnifique demeure enfouie dans les bayous de Louisiane, avait été un pionnier dans les transports ferrés. Etonnant, non ?

Paul Maugendre

Toutes les chroniques sur le blog de Paul Maugendre

http://mysterejazz.over-blog.com/