José NOCE : Le monde est un bousillage.

Polar Collection Forcément Noir. Editions Krakoen.

José NOCE : Le monde est un bousillage. Collection Forcément Noir. Editions Krakoen.

Un titre qui au départ m’apparaissait comme prémonitoire et je me disais ce roman est un bousillage. Mais c’est mal me connaître, car je suis un persévérant, vaguement débonnaire, et étant habitué aux premiers chapitres déconcertants, désarmants, déroutants, je me suis dit, lis sans complexe et sans à priori, sans retenue et sans impatience le début, et tu verras, tout se décantera. Et j’ai eu raison de me montrer pugnace car peu à peu non seulement la mayonnaise a pris, mais je me suis trouvé englué dans la toile que José Noce avait tissée, avec malignité. Et j’ai remonté peu à peu ce fil d’Ariane, je me suis senti investi au fur et à mesure dans cette intrigue habile et accrocheuse.

Au début vivait à Lille, un professeur de lettre, qui aimait les femmes. Un peu trop peut-être car il s’est amouraché d’une de ses élèves. Une petite entaille à la déontologie de l’Education Nationale, mais ce n’est pas l’administration qui lui tombe sur le dos. Non, tout simplement le commissaire Lopes, qui lui donne rendez-vous dans un restaurant. Lopes lui confie qu’il le suit, l’épie, l’espionne même depuis plusieurs semaines. Comment connaitrait-il la marque d’apéro favorite de Ludo et autres petits détails sans insignifiance apparente mais dont la somme est vertigineuse. Il lui fait une proposition : il va venger à la place de Ludo la mort d’Anne, enseignante elle-même et accessoirement son amie, et donnant-donnant comme l’écrivit Labiche dans sa pièce Doit-on le dire, Ludo lui rendra quelques menus services lors de déplacements programmés, voyages scolaires, touristiques ou autres. Lopes est membre d’une organisation qui règle ses comptes en dehors de toute légalité, et Ludo se voit confier un rôle de désherbant. Détruire quelques mauvaises plantes qui n’ont rien à faire à la surface de la Terre. Pour Ludo, cette mission constitue comme un coup de massue sur la tête mais il se résout à accepter cette tâche.

Dans une construction déstructurée, José Noce entraine le lecteur dans une intrigue labyrinthique, deux formes de narration se chevauchant. D’abord sous la forme d’un journal relatant les progrès enregistrés par Ludo qui se remet péniblement dans une clinique, et une partie non linéaire du parcours de celui-ci. Il se remémore certains passages de sa vie antérieure grâce à des indices qui lui sont obligeamment fournis par le personnel soignant. Dans le journal de Ludo, le lecteur peut se rendre compte de l’amélioration de la santé mentale de Ludo, le style narratif devenant de plus en plus lisse au fur et à mesure du développement de l’histoire, de moins en moins chaotique. Quant à l’intrigue en elle-même, elle suit un parcours en angles, comme ces dessins qui se développent en alignant des traits en partant d’un point A jusqu’à un point X et dont les lignes n’ont pas peur de s’entremêler, de se croiser. Evidemment le lecteur doit rester concentrer lors de sa lecture et je conseillerai ce roman à tous ceux qui, insomniaques, lisent la nuit, dans le calme et la sérénité, l’esprit dégagé des influences néfastes de la vie tourbillonnante. Le lecteur doit s’investir, effectuer une petite gymnastique mentale mais au bout du compte il en ressort satisfait et comblé.

Alors mon sentiment premier est complètement effacé et non ce roman n’est pas un bousillage mais une formidable leçon d’écriture et de narration.

Paul Maugendre

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