Chris COSTANTINI : A pas comptés.

Editions Michel Lafon.

Chris COSTANTINI : A pas comptés. Editions Michel Lafon.

 

« Il existe quelque chose de pourri dans le royaume du Danemark ». Cette célèbre phrase, empruntée à Hamlet de Shakespeare, pourrait être prononcée par le docteur Bures de Médecins sans limites, alors qu’il ampute une gamine dont la jambe a été esquintée par une balle. Le toubib qui vient de réceptionner un lot d’appareillages orthopédiques s’aperçoit qu’il manque un lot de jambes artificielles perfectionnées et il fulmine contre l’expéditeur et la reine du Danemark qui officie à la tête d’une œuvre caritative. C’est ce que pourrait dire également le policier Ove Maisted, qui enquête sur le meurtre d’une jeune détective privée dans le port de Copenhague. La détective, fille d’un secrétaire d’état qui est affilié au PDD, parti d’obédience d’extrême droite, enquêtait justement sur la disparition de lots de prothèses à la demande du fabricant qui alerté par le médecin désirait comprendre comment se produisait la fraude. Elle avait donc été embauchée comme stagiaire chez Biomechanics et était en train de surveiller le chargement d’un navire lorsqu’elle avait été abattue à l’aide d’une arme militaire. L’embarcation devant contenir les appareillages médicaux est arraisonnée à la demande du gouvernement danois dans les eaux territoriales françaises mais le lot est déjà subtilisé.

A New-York, le lieutenant Thelonius Avogaddro, surnommé tout simplement Thel, est content. Après trente ans passés dans la police, il ne lui reste plus que trois semaines avant de changer de métier et de s’installer comme détective privé. Il commence à préparer ses cartons, de s’installer dans son nouveau bureau, tout en ingurgitant de nombreuses lampées de bourbon. C’est qu’il possède derrière lui un lot de déboires sentimentaux, familiaux, qu’il ne peut évacuer et pèsent dans sa poitrine comme un poids de fonte oppressant. Avec sa nouvelle et jeune coéquipière ils forment un duo qui fonctionne bien mais pas assez pour lui donner des regrets de quitter la boîte. Il est dérangé dans son occupation favorite par un appel téléphonique. Un ancien militaire est décédé dans un bar gay. Les premières constatations laissent penser qu’il est mort d’une overdose, mais bientôt c’est l’assassinat qui prévaut. De plus ce vétéran de la guerre d’Irak est amputé d’une jambe et la prothèse qu’il porte est de conception trop sophistiquée pour la solde d’un ancien militaire, avec en bonus un GPS. La mère qui n’avait pas vu son fils depuis des mois, et se félicite de sa mort, affirme qu’il n’était pas homosexuel et qu’apparemment il n’avait pas de problèmes financiers. Ce que confirme le compte bancaire du défunt. Maisted a envoyé des demandes de renseignements concernant des appareils orthopédistes détournés et la demande atterrit sur le bureau de Thel, ce qui lui ouvre des horizons à exploiter. D’autant qu’en épluchant le dossier médical de l’ex-militaire, le légiste s’aperçoit que l’amputation de la jambe n’avait pas lieu d’être.

Drogue, vol de prothèses performantes, sont les deux ingrédients essentiels dans cette histoire menée tambour battant, mais d’autres tout aussi passionnants se greffent dans l’intrigue. Car les antécédents de Thel sont à eux-mêmes une histoire dans l’histoire. Son garçon Tom est décédé tout jeune, son ménage a éclaté, sa mère se meurt d’un cancer, sa sœur a été retrouvée assassinée près de trente ans auparavant. Tout un faisceau de malheurs qui l’ébranlent mais ne le rompt pas. L’alcool l’aide à survivre et il possède au moins un refuge : le jazz, qui console de tout, ou presque. Et dans son bureau il a accroché sa devise : « L’idiot qui marche va plus loin que dix intellectuels assis », phrase empruntée, et améliorée, à Michel Audiard. Quant à Ove Maisted, son adjoint est en même temps son amant. Il s’est découvert sur le tard un penchant homosexuel au contact de son coéquipier. Ils vivent ensemble, sans que leurs collègues et leurs supérieurs soient au courant. Mais depuis quelques temps Ove se rend compte que son ami se rend souvent dans un sauna et le délaisse. Mais ce sont aussi les éternels agissements en sous-main de la CIA qui sont mis en cause ainsi que l’influence des cartels de la drogue. Et au Danemark, le secrétaire d’état veut dessaisir Ove Maisted de son enquête afin de mieux impliquer les islamistes, virulents depuis l’affaire des caricatures d’Allah.

 

Paul Maugendre

 

« Drogue, armée d’occupation et CIA avaient toujours formé un redoutable trident pour prendre possession d’un pays ou renverser un gouvernement, avec à chaque fois en ligne de fond une prétendue bonne cause à défendre pour appâter les médias ».

« Mieux vaut parler à celui qui tourne l’orgue qu’au singe sur son épaule ».

 « Passé la cinquantaine, lorsqu’on se réveille sans avoir mal quelque part, c’est qu’on est mort ».

« Le jazz est la plus photogénique des musiques, ses clichés capturent dans une parfaite improvisation l’humour désespéré, l’ambiance cafardeuse, les sentiments de solitude, de discrimination sociale et raciale ».