Hervé JAOUEN : Les sœurs Gwenan

Polar Terres de France, Presses de la Cité

Hervé JAOUEN : Les sœurs Gwenan. Terres de France, Presses de la Cité

Troisième volet du triptyque consacré à une famille bretonne, comme ces peintures qui racontent chacune une scène de la vie mais font un tout, collée l’une à côté de l’autre, Les sœurs Gwenan se déroule entre terre et mer, dans cette pointe du Cap Sizun offerte à l’aventure. Les deux premiers volets, Les filles de Roz-Kelenn et Ceux de Ker-Askol, étaient consacrés aux aventures de Jabel et Maï-Yann, les filles de Mamm Gwenan, décédée encore jeune dans l’indigence. Mais ce qu’elle ignorait, c’est qu’elle possédait deux demi-frères plus jeunes qu’elle d’une vingtaine d’années environ. Leur père étant décédé les deux garçons, Joseph né en 1890 et Donatien né en 1893, furent enlevés à leur mère et confiés à l’assistance publique puis placés dans des familles d’accueil, Jos en Armor et Donatien chez des fermiers du pays niortais. Hervé Jaouen nous propose de suivre les pérégrinations de Jos dans sa nouvelle famille puis de l’accompagner tout au long de sa vie maritime et familiale.

Tad Bonizec et Mamm Bonizec, qui approchent de la cinquantaine, n’ont jamais eu le bonheur d’avoir d’enfants aussi l’arrivée de Jos met une touche de gaité dans le foyer. Ils ne sont ni pauvres ni riches, Tad en tant qu’ancien de la Royale assurant la pitance dans des parties de pêche en compagnie du gamin, Mamm s’occupant de la vache et du lopin de terre. Le petit Jos grandit dans cette ambiance bon enfant et sur les conseils avisés de Tad et de son instituteur, par goût aussi, il s’engage d’abord dans l’école des mousses puis c’est la voie tracée pour effectuer son service militaire dans la Royale. Il se marie avec une autochtone, Guillemette, aura une fille, Joséphine, qu’il ne verra pas grandir, la guerre de 14 requérant ses services. En 1919 c’est le retour au pays, tout auréolé de gloire. Il a participé aux combats dans les Dardanelles, une carte de visite qui exclut tout commentaire, sauf les siens car il aime raconter ses campagnes maritimes, celles au cours desquelles il aurait pu perdre la vie. Les retrouvailles d’après-guerre s’avèrent fructueuses. Deux autres filles complètent le foyer, Germaine et Yvonne, puis quelques années plus tard Marie-Morgane. Elles possèdent chacune leur caractère, même si Germaine et Yvonne les cadettes se ressemblent, physiquement et moralement. Joséphine est subjuguée par les marins, mais pour trouver l’âme sœur, c’est la galère. Elle débute comme couseuse à Quimper puis s’installe à Paris et en compagnie de ses patrons se réfugie à Hyères, près de Toulon, port où elle essaie de choisir l’heureux élu, en vain. Les deux cadettes ont plus de chance quant à Marie-Morgane, la petite dernière, c’est la fiérote de la famille, indifférente à ce qui se passe autour d’elle, taiseuse, tout le contraire d’une Cendrillon. Chacune d’elle va donc connaitre des destins différents et ce sont ces fortunes ou infortunes qui nous sont narrées avec verve, émotion, humour, simplicité comme ces contes narrés par les anciens à la veillée.

Ce roman biographique, qui tourne principalement autour du personnage de Joséphine, nous entraîne de la fin du XIXème siècle jusqu’à aujourd’hui et semble puiser dans des anecdotes véridiques, recueillies auprès de gens du cru. Ce qui lui donne un accent de véracité et reconstitue une Bretagne non pas de légende, mais authentique.

Paul Maugendre

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