Sylvie CALLET : Moulin à vent

Editions Les Presses du Midi.

Sylvie CALLET : Moulin à vent. Editions Les Presses du Midi.

Le Moulin à vent du titre pourrait nous faire penser à Alphonse Daudet, il n’en est rien. La reproduction d’un moulin est en arrière-plan mais en premier plan, que trouve-t-on ? Un ballon de rouge, sûrement ce fameux Moulin à vent issu du Beaujolais, un grand cru avec le Fleurie, le Morgon et quelques autres éclipsés par le trop médiatique Beaujolais nouveau. Joël-Marie Bianco, plus familièrement appelé Jo, comédien au chômage et détective amateur, jardinier de Flo qui lui prête un cabanon, vient d’hériter de son ami Bèbe, barman de son état et décédé dans de tragiques circonstances, d’un boui-boui, d’une garçonnière miteuse et d’une vieille R5 toujours vaillante. Il ne garde que la relique sur roues et brade le reste afin de payer les frais de succession. Et la voiture justement il va en avoir utilité car sa belle-sœur, Mathilda, d’origine de petite noblesse, lui téléphone afin de lui apprendre que son frère Louis-Edouard vient d’être agressé et est à l’hôpital dans le coma. C’est plus par charité que par amour de la fratrie que Jo se rend dans le beaujolais où il est accueilli assez sèchement. Il est vrai que les deux frères ne s’entendaient pas très bien et même qu’ils ne s’étaient pas vus depuis un lustre. La gentilhommière, possession ancestrale de la famille de Mathilda, est extérieurement à l’abandon. Quant à l’intérieur, c’est un vrai labyrinthe aménagé en gîte rural. Les retrouvailles entre Jo et Mathilda manquent de chaleur. Franck, le cousin germain de la châtelaine genre brute épaisse et Jean-Noël, le fils dont les conduits auriculaires sont assaillis par les décibels belliqueux issus de son baladeur, n’ont guère l’air d’apprécier cette intrusion. Seule Maryanne, la gamine délurée de sept ans qui ne pose pas de questions sur l’arrivée de cet oncle qu’elle ne connaissait pas, et Luna, la servante du château, lui font comprendre que ce débarquement inopiné est une sorte de récréation dans leur quotidien. D’ailleurs Luna, dont la fille et le gendre vignerons produisent du Beaujolais l’initie à ce breuvage. Sans oublier les pensionnaires de ce gîte rural. Les Delaunay, un couple riche mais pingre, dont le mari a prêté de l’argent à Louis-Edouard, lequel conseiller fiscal est dans la panade, et Jambon, pardon Verbaurin, poète qui emprunte volontiers à ses illustres ainés des citations toutes faites et dont la prose orale n’est pas piquée des vers. Enfin Sylvio, le neveu de Luna, qui entretient un contentieux avec Franck. Jo ne tarde pas à comprendre qu’il a mis le pied dans un nid de vipères plus ou moins lubriques et l’enquête qu’il entreprend afin de définir qui s’est amusé à agresser Louis-Edouard s’avère pour le moins mouvementée.

Ce qui prime dans ce court roman, ce n’est pas tant l’intrigue, pourtant bien amenée, que l’humour lexical dans lequel il baigne. Jo est un personnage atypique, que son passé de comédien, « intermiteux » du spectacle comme il se définit lui-même, aime à appeler à la rescousse des comédiens célèbres qui l’apostrophent afin de le remettre sur les rails lorsqu’il dévie, ce qui lui arrive très souvent. De plus, c’est un homme qui aime non seulement la bonne chère mais également la chair fraîche, passion qu’on lui pardonnera volontiers, car ses bonnes fortunes ne sont pas réticentes à ses charmes. Une petite récréation guillerette dans une production qui actuellement joue trop souvent dans le pessimisme, le sanguinolent, les conflits de banlieue, la drogue, le chômage et autres affaires politiques qui polluent notre quotidien, même si l’on ne doit pas se leurrer car c’est la réalité.

Paul Maugendre

 

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