Cinq pianistes ont donc rendu hommage au plus célèbre enregistrement du jazzman le samedi 11 janvier 2025, à la Maison de la Radio et de la Musique de Paris. Ils évoquent notamment l’influence de ce disque de légende sur leur parcours professionnel, au sein de l’industrie musicale. Le claviériste et compositeur français, Benjamin Moussay, a toujours été influencé par le talent de Keith Jarrett. Récemment, il fait a son grand retour sur le devant de la scène jazz, aux côtés du clarinettiste Louis Sclavis, pour un duo mémorable, intitulé "Unfolding". Néanmoins, l’artiste n’oublie pas d’où il vient. Lors de cette soirée hommage, il s’est d’ailleurs exprimé sur la question :
"Jeune adolescent, je ne connaissais rien au jazz, mais le père d’une cousine avait acheté une des premières platines CD du marché. Le premier disque ‘sil y joua fut le 'Köln Concert', et ce moment m’est resté, en particulier la sensation d’être dans la salle avec tous les bruits parasites et les gémissements de Jarrett. C’est un album à part dans ses solos".
Et il n’est pas le seul à avoir été marqué par le don de Keith Jarrett. La pianiste de jazz belge, Nathalie Loriers, a également été extrêmement touchée par ce disque hors du commun :
"Je n’avais que 9 ans quand l’album est sorti, et j’étais loin d’imaginer qu’une telle musique existait. J’ai découvert Jarrett à la fin des années 1980 avec sa série 'Standards', puis 'My Song', qui fut une révélation totale. Ensuite seulement, j’ai écouté le concert de Cologne. Avec le recul, comme toujours chez Jarrett, l’élément qui me va soit au cœur, reste indubitablement ce son inégalable, certainement lié à l’état méditatif auquel il accède, notamment lors du 'Köln Concert' grâce à ces longues improvisations modales. C’est pour moi la leçon essentielle de cet album, qui fut assurément libérateur pour beaucoup de musiciens".
Accompagnés de trois autres musiciens, que sont Guillaume de Chassy, Andy Emler et Carl-Henri Morisset, ces deux artistes avaient à cœur de participer à ce bel hommage. Ils se sont donc associés pour "Dix mains pour Jarrett", sous la forme d’un cadavre exquis. Une magnifique expérience, qui permet à “The Köln Concert” de toujours briller, au fil du temps.
Keith Jarrett laisse la place aux nouvelles générations
La carrière de Keith Jarrett bascule le 24 janvier 1975, lorsqu’il entame le plus beau solo de son existence, en jouant les cinq premières notes de la mélodie qui annonce le début des concerts à l’Opéra de Cologne. Le musicien est extrêmement fatigué, tout comme l’instrument sur lequel il joue, mais la musique va transcender. L’artiste racontera à ce propos :
"Une note engendrait une deuxième note, un accord m’entraînait sur une planète harmonique qui évoluait constamment. Je me déplaçais dans la mélodie, la dynamique et les univers stylistiques, pas à pas, sans savoir ce qu’il se passerait dans la seconde suivante".
Une chose est sûre : ce disque bouleversera le temps et l’industrie du jazz, puisqu’il s’agit du solo de piano le plus vendu de l’histoire du disque. Toutefois, victime de plusieurs AVC, Keith Jarrett a complètement arrêté de se produire depuis 2020. Il préfère donc s’effacer au profit des nouvelles générations, dans lesquelles il place énormément d’espoir.