René REOUVEN : Histoires secrètes de Sherlock Holmes

Polar Folio Policier n°576.

René REOUVEN : Histoires secrètes de Sherlock Holmes. Folio Policier n°576.

Avec Boileau-Narcejac, Louis C. Thomas, Jean-François Coatmeur, René Réouven fut l’une des plus belles plumes de la collection Sueurs Froides de chez Denoël. Et il fut l’un des plus grands pasticheurs des aventures de Sherlock Holmes, respectant non seulement le Canon, mais imaginant une intrigue à partir d’affaires évoquées mais jamais écrites par le bon docteur Watson.

Ce recueil, dont la réédition était fort attendue des amoureux du mystère et du suspense comporte romans et recueils de nouvelles, et j’ai choisi de vous en présenter quelques uns, afin de vous faire une idée, pour ceux qui évidemment ne connaitraient pas encore cet auteur qui fut le fleuron du roman policier français pendant la vague du roman noir.

L’assassin du boulevard narre une des aventures de Sherlock, relatée par lui-même, ce qui est rare, Holmes n’ayant pris la plume que deux ou trois fois, laissant en général au docteur Watson le soin de raconter ses enquêtes. Or cette aventure se déroule en 1893 et 1894, levant le voile sur une partie des trois années d’ombre se déroulant entre sa disparition dans les chutes de Reichenbach, voir Le dernier problème dans Les mémoires de Sherlock Holmes, et sa réapparition dans La maison vide, première de ses enquêtes relatée dans Le retour de Sherlock Holmes. René Réouven, en véritable historiographe, comble les lacunes de Watson concernant les tribulations holmésiennes. Mais René Reouven ne se contente pas de mettre en scène le célèbre détective, il fait également revivre pour la plus grande joie de ses lecteurs, et dans un souci d’exactitude qui l’honore, en bon documentaliste qu’il était, des personnages réels et savoureux, parfois au destin tragique, que ce soit sous leur véritable patronyme, ou sous un nom d’emprunt. Le tout donne au récit un air de véracité rendant le personnage de Sherlock Holmes un peu moins mythologique.

Le bestiaire de Sherlock Holmes est un pastiche particulièrement réussi et en digne élève qui rivalise le maître, René Réouven solutionne quatre énigmes évoquées en filigrane par Watson lors de la retranscription des enquêtes de son compère et ami. Il s’agit des épisodes suivants : Le politicien, le phare et le cormoran, L’affaire du rat géant de Sumatra, La boite d’allumettes contenant un ver mystérieux et enfin, L’histoire de la sangsue. Mêlant là aussi personnages réels et imaginaires, l’auteur a distillé de façon saisissante ses histoires-tiroirs et les révélations qu’il nous propose ne manquent pas d’être surprenantes, et pourtant indubitables. Que ce soit relatif à l’un des épisodes de la guerre 14-18, la solution de l’énigme de la fameuse bête du Gévaudan qui sévissait en France en 1765, ou encore l’origine de l’un des romans de H.G. Wells. Cet ouvrage célébrait la naissance littéraire de Sherlock Holmes.

Avec Le détective volé, René Reouven place la barre encore plus haut, à la plus grande joie de ses lecteurs et admirateurs puisqu’il envoie Sherlock Holmes et son biographe sur les traces du Chevalier Dupin et de son créateur Edgard Poe. Grâce à une astuce fort obligeamment prêtée par H.G. Wells, Conan Doyle envoie ses personnages dans le Paris des années 1830, irrité qu’il est d’entendre que Sherlock et son ami ne seraient que des copies, des imitations du chevalier Dupin. Pourquoi ne pas l’accuser de plagiat, pendant qu’on y est ? Ce voyage, même s’ils ne rencontrent pas le célèbre chevalier, ne sera pas infructueux, ne sera pas effectué en vain, puisque nos deux héros britanniques feront la connaissance de Vidocq, l’ancien bagnard et ex-chef de la sureté, reconverti comme détective privé, ainsi que d’un curieux assassin poète, Lacenaire. Mais ce voyage parisien s’avère incomplet, aussi un second voyage, situé lui dans l’Amérique de 1849 devient nécessaire. Holmes et son ami Watson apprennent la mort d’Edgar Poe dans de curieuses circonstances. Ce qui les conduit à effectuer une enquête mouvementée, et dans laquelle Watson sort du rôle falot qu’on lui prête habituellement. Une fois de plus René Reouven, en mariant avec habileté imagination et faits réels nous propose un petit bijou. Pas tout à fait pastiche ni parodie, pas tout à fait à la manière de… ce roman est à considérer comme un hommage rendu à Conan Doyle par un admirateur qui se montre l’égal, sinon plus, du maître.

Paul Maugendre