Marie VINDY : Nirvana Transfert

Polar Collection Forcément Noir ; Editions Krakoen.

Marie VINDY : Nirvana Transfert. Collection Forcément Noir ; Editions Krakoen.

Pour le commandant Simon Carrière, sa nouvelle affection à la Brigade des mineurs est peut-être une échappatoire à une longue période d’inertie professionnelle. Après de longs mois qui l’ont tenu éloigné de son activité de policier, un congé de maladie consécutif à une dépression, il reprend le harnais, et l’on ne peut pas vraiment dire que la fonction qui lui a été proposée soit une sinécure. Mais la possibilité de pouvoir rester à Dijon l’a emporté sur toutes les autres considérations. Alors cette affaire qui tombe sur son bureau comme un puzzle à reconstituer peut se révéler un dérivatif propice à s’investir à nouveau dans un métier qui somme toute n’est pas pire qu’un autre.

Warren, vingt trois ans, toxicomane et alcoolique, ne connaissant pas son père et sa mère étant décédée alors qu’il n’avait que quinze ans, vivait depuis, ou plutôt survivait, dans des squats. S’il s’en est sorti et travaille depuis dans un magasin de meubles comme manutentionnaire, c’est grâce à Céline, une jeune fille de dix huit ans, dont la mère est psychologue. Warren pensait pouvoir enfin émerger de cette vie de déprime, d’alcool et de drogue, avec le soutien des deux femmes, et sa passion pour Kurt Cobain, le chanteur et guitariste mythique du groupe Nirvana. Cobain avait tenté de juguler son addiction à la drogue mais est mort à vingt sept ans. Un suicide par balle qui reste un mystère. Warren se retrouve, s’identifie dans ce musicien au parcours chaotique. La réception d’une lettre bouleverse sa vie. La plongée dans la drogue et l’alcool semble fatale d’autant qu’une seconde missive lui parvient, toujours aussi énigmatique, et dans laquelle son correspondant tutoie le jeune homme. Alors des réminiscences le taraudent et il porte plainte, incité par Céline, pour agressions sexuelles et viols. Peut-être la meilleure chose qu’il puisse faire, même si porter plainte n’est pas toujours facile avec des antécédents lourds à trimbaler. Car Warren déclare aux policiers qui viennent lui rendre visite, Simon Carrière et son adjointe Monique Randell, qu’il ne se souvient de rien. Il était arrivé à Dijon alors qu’il n’avait que sept ou huit ans, il a de vagues résurgences mais il ne peut préciser où, comment, par qui, quand. Si la première missive était postée de Dijon, la seconde l’était de Chalon-sur-Saône. Un dossier extrêmement mince mais Carrière décide de s’atteler à la tâche, malgré l’accumulation de dossiers qui requièrent la brigade des mineurs. Simon Carrière demande à son amie Marie-Shan Li, une psychiatre criminologue, de l’aider à comprendre le caractère du jeune homme et de décrypter la teneur des missives. Et l’apport de Marie-Shan s’avère précieux, non seulement pour le moral et le psychisme de Simon, mais dans le début de résolution de l’énigme.

Avec sensibilité mais sans sensiblerie, Marie Vindy a concocté une histoire qui explore l’âme humaine, tout autant du côté des policiers et de Simon Carrière, que du côté de Warren et des personnages qui gravitent dans cette embrouille. Pas de voyeurisme, pas de séquences violentes ou sexuelles, tout est dans la simplicité et la pudeur des descriptions, dans la suggestion des scènes, et cela porte plus dans l’esprit du lecteur que des images imposées et malsaines. Marie Vindy narre avec subtilité une histoire axée autour de la pédophilie, mais insère dans son roman d’autres liens qui nous entraînent dans les réseaux russes de prostitution infantile, du blanchiment d’argent et assène parfois de petites réflexions qui relèvent du bon sens. Un bon sens qui n’est pas toujours celui des hommes politiques. « Tous les jours, des jeunes sortaient de prison plus forts et plus dangereux qu’en y entrant ».

Paul Maugendre

Retrouvez les chroniques de Paul Maugendre sur son blog dédié au polar et au jazz à l'adresse suivante   www.mysterejazz-overblog.com