Mo HAYDER : Proies

Polar (Gone-2010. Traduit de l’anglais par Jacques-Hubert Martinez). Collection Sang d’encre, Editions Presses de la Cité.

Mo HAYDER : Proies

Septième roman de Mo Hayder traduit en France, Proies est selon bon nombre de critiques professionnels son meilleur livre. N’ayant pas lu les précédents titres de cette « Diablesse au visage d’ange », je ne peux donc exprimer mon avis que sur Proies, et c’est un constat positif. Dès le premier chapitre le lecteur est happé même si au départ il a l’impression que ce thème a déjà été traité à moult reprises et qu’il s’agit d’une nouvelle et banale (façon de parler !) histoire d’enlèvement d’enfants. Le commissaire adjoint Jack Caffery visionne la bande vidéo du vol de véhicule dans un parking en sous-sol d’un magasin de Frome, ville du Somerset situé à une quarantaine de kilomètres de Bristol. Rose Bradley venait d’effectuer quelques emplettes et les enfournait dans le coffre de son véhicule lorsqu’un homme portant un masque de Père Noël s’est emparé des clefs et la voiture par la même occasion. Seulement savait-il qu’une gamine, Martha, était à l’intérieur ? Caffery espère qu’il s’agit d’un simple vol mais les heures passant, il est obligé de se rendre à l’évidence, il vient d’assister, par vidéo interposée, à un kidnapping. Or des précédents existent, quasiment dans les mêmes conditions. Et des messages, anonymes bien évidemment, parviennent chez les Bradley, débutant par ce genre de phrase : Martha, mon amour. Jonathan, le père pasteur de l’église anglicane et Rose la fille aînée sont quasiment autant perturbés que la mère. Le sergent Flea Marley, qui dirige la brigade de recherches subaquatiques, participe à l’enquête seulement il lui faut redorer son blason ainsi que celle de son équipe. Depuis six mois tout est en déliquescence et elle est devenue comme un paria. Entre elle et Caffery, c’est un peu je t’aime moi non plus, tandis que le jeune constable Prody, qui de la circulation vient d’être affecté au service de recherches de Caffery, a eu affaire à elle lors d’un contrôle routier. En réalité c’était Thom, le frère de Flea qui était au volant mais elle s’est dénoncée afin de le couvrir. Il venait d’avoir un accident et Flea a enfreint la loi. Un second kidnapping se produit dans les mêmes conditions. Lors d’une algarade avec une mère de famille à la sortie de l’école, Janice descend de sa voiture et l’homme au masque de Père Noël s’empare de son véhicule avec la jeune Emily à bord. Caffery et ses hommes sont sur les dents, d’autant qu’ils s’aperçoivent que le ravisseur semble être au courant des avancées de l’enquête et qu’il dispose de moyens efficaces pour les piéger, eux et les familles désemparées. Va-t-il retrouver Marthe et Emily saines et sauves, les deux fillettes auront-elles été la proie d’un pédophile. Autant de questions qu’il se pose et dont il n’ose imaginer les réponses.

Telle une araignée tapie dans son ordinateur, Mo Hayder tisse sa toile, prenant le lecteur tel une mouche dans son filet et celui-ci ne peut plus s’en échapper, devenant une proie consentante. Si parfois on peut reprocher quelques digressions, on s’aperçoit quelques chapitres plus tard que tout est mesuré, calibré, que rien n’est laissé au hasard. Et même parfois on souhaiterait que certaines scènes, événements, explications soient plus développés. Les descriptions sont fortes, prégnantes, et plus réalistes que les séquences chocs d’un film. Le spectateur face à l’écran subit les images imposées, tandis que le lecteur se les approprie et les met lui-même en scène, selon son humeur, sa sensibilité, ses propres accrocs de la vie. Car les différents protagonistes, policiers ou parents, qui évoluent dans ce roman sont tous des victimes de l’existence, aussi bien dans le domaine familial que professionnel. Tous ont ou ont eu des blessures, ont connu des déchirures, qui s’ouvrent au moindre problème comme des plaies mal cicatrisées. Je ne connaissais Mo Hayder que par critiques interposées, maintenant que j’ai lu et apprécié ce roman, je sens que je vais devenir un lecteur assidu de ses ouvrages. Arrivé à un âge disons avancé, pensant être blasé et ne plus réagir comme un lecteur néophyte, je dois avouer que j’ai reçu une sacrée claque, qui réveille et qui fait prendre conscience qu’il existe encore des perles littéraires à découvrir.