Léonard TAOKAO : Carabistouilles

Polar fiction. Collection Borderline, Editions Territoires témoins.

Léonard TAOKAO : Carabistouilles

Muni d’un faux passeport ukrainien, Silas revient en France après sept années de vagabondages en Russie et autant de petits boulots marginaux et répréhensibles. Et ce qu’il retrouve ne correspond vraiment pas à ce qu’il avait quitté. Comme si Paris avait subi des assauts guerriers pendant son absence. D’ailleurs dès son arrivée sur le sol français, il est vaguement fixé sur l’ambiance qui règne : Mon premier contact avec la patrie ayant breveté la Déclaration des Droits de l’Homme fut la tronche patibulaire d’un agent de la police douanière de l’Union Européenne. Tout est sens dessus dessous, genre Bagdad après guerre du golfe. La misère s’affiche en vainqueur toutes catégories et les militaires sillonnent les rues. La pagaille organisée avec son flot de loques humaines à la recherche du moindre bout de boustifaille à grignoter, du moindre squat à investir, ses quémandeurs à éviter, les taximen en maraude ne s’exprimant qu’en Anglais. La priorité pour Silas est de trouver rapidement un endroit où pouvoir se reposer, et peut-être que les zonards qui déambulent près de la gare pourront lui donner quelques renseignements. Ils ne se privent pas de le renseigner sur ce qui s’est passé en France pendant son absence, la RF qui est devenu la République Fasciste, tout ça à cause de la crise de 2008. « Quant aux terroristes d’ultra-gauche, on sait maintenant que la majorité de leurs actes étaient en fait l’action d’une cellule dirigée par les services de l’état ». Mais auparavant c’était la politique économique et sociale des années CRS : Chirac, Raffarin, Sarkozy. Et les pauvres électeurs lors de l’élection présidentielle suivante ne se sont pas bousculés aux portillons des isoloirs. Cinquante deux pour cent d’abstention. Le pouvoir s’est alors reconduit d’office à la tête de l’état provoquant des émeutes qui se sont soldées par trente deux mille morts et un gouvernement répressif. La droite radicale mène depuis lors le pays par le bout des bottes et des tonfas, distribuant les coups plus généreusement que les aides sociales. Paris est coupé en deux, la rive Gauche réservée aux nantis. Les rues ont été débaptisées, et maintenant les passants empruntent, si les policiers les laissent franchir les barrages, les rues Le Pen, Maréchal Pétain, Christian Clavier, Alain Delon, des Bienfaits de la colonisation française… Silas va enfin trouver une piaule à occuper, une jeune femme à tirer des griffes de policiers hargneux, et rencontrer Libertad qui connait tout de son passé et envisage pour lui un avenir dont seul il a le secret.

Bien sûr, ce n’est qu’une fiction, une politique fiction, une extrapolation, mais ne nous égarons pas, ceci pourrait devenir réalité si ceux qui le peuvent encore élever la voix, baissent les bras et refusent de sortir leur carte d’électeur. Et il vaut mieux prévoir le pire afin de ne pas être déçu plus tard. Un livre dérangeant car il oblige le lecteur à réfléchir, à sortir de son cocon douillet, et à envisager l’avenir en toute conscience.

Paul Maugendre

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