Lisa GARDNER : La maison d’à côté

Polar Collection Spécial Suspense, éditions Albin Michel

Lisa GARDNER : La maison d’à côté (The Neighbor – 2009) ; traduction de Cécile Deniard. Collection Spécial Suspense, éditions Albin Michel.

Comme à leur habitude, Jason Jones est parti travailler le soir, il est journaliste, et sa femme Sandra s’occupe de sa gamine, Ree, la faire manger, prendre sa douche et la coucher tout en lui racontant deux histoires, puis corriger les copies de ses élèves, elle est institutrice. Une soirée banale en perspective, les fenêtres bien closes, les portes blindées verrouillées, et le chat M. Smith qui dort aux pieds de Ree, dans une banlieue chic de Boston, dans une maison huppée. Le lendemain, Jason prévient la police. Sa femme a disparu. D’après les premières constations, Sandra n’est pas la seule à ne plus se trouver à la maison. M. Smith n’est pas là non plus ainsi qu’un édredon, une chemise de nuit, tandis qu’une lampe de chevet est brisée. Ree, elle, dort comme une bienheureuse. Le commandant D.D. Warren, qui rêvait d’un buffet garni et tenaillée par un manque de relations sexuelles, est chargée de superviser l’enquête, en compagnie de son adjoint Miller. Leurs premières impressions ne sont pas favorables à Jason, qui semble détaché, ne se posant pas de questions quant à la disparition de sa femme, ne se préoccupant que de sa gamine. D’ailleurs il n’a prévenu la police que trois heures après être rentré de sa nuit de travail. Bien sur il a été vu par des témoins dignes de foi, par exemple des pompiers sur les lieux d’un incendie, mais cela ne veut pas dire qu’il soit resté tout le temps de l’intervention sur place. Bref un alibi tiré par les cheveux. D.D. Warren ne peut mener son enquête comme elle le souhaiterait car la juge estime qu’une disparition de dix heures n’est pas probante pour déclencher la machine judiciaire. Par exemple elle aurait aimé pouvoir vérifier le contenu de son ordinateur, mais Jason avait prévu cette envie et il emmène la tour dans les locaux de son journal afin de bidouiller le disque dur. Si Warren déplore le manque d’enthousiasme de la part de Jason, sentant qu’il existe une faille entre lui et sa femme, une autre information vient noircir le tableau. Les salaires de Jason et de Sandy sont confortables mais n’expliquent pas les quatre millions de dollars dont ils disposent, en argent placé et la valeur immobilière de leur villa. Cinq maisons plus loin, un jeune homme de vingt-trois ans, qui travaille dans un garage, est fiché pour avoir eu des relations sexuelles avec une mineure de quatorze ans. Il a effectué deux ans de prison mais est toujours astreint à une surveillance probatoire, et doit assister à des stages en compagnie de quelques autres « pervers » qui ont purgé leur peine mais sont toujours sous contrôle.

Le lecteur possède plus de chance que le commandant D.D. Warren et son adjoint Miller, car outre l’enquête menée par les policiers, il a droit à des informations supplémentaires. Les révélations de Sandra qui s’intercalent dans le récit et qui révèlent peu à peu la personnalité de la jeune femme de vingt trois ans, de ses relations familiales, parentales ou maritales, des faits et gestes de Jason, ainsi que ceux de Aidan, le jeune homme fiché qui vient narguer Jason, puis peu à peu d’autres protagonistes font leur intrusion. Mais ces révélations ne sont distillées qu’au compte-gouttes par Lisa Gardner qui démontre un savoir-faire machiavélique. Une ambiance lourde règne de ce roman qui joue avec les nerfs. Et comme souvent la vérité se niche au fond du puits du passé.

Paul Maugendre