Alain GERBER : Frankie, le Sultan des pâmoisons.

Le Livre de Poche n° 32014.

Alain GERBER : Frankie, le Sultan des pâmoisons. Le Livre de Poche n° 32014.

 

Le Fregoli du jazz, alias Alain Gerber, vient de mettre en scène son nouveau spectacle musical, en tenant tout aussi bien le rôle principal, celui de Frank Sinatra, The Voice comme l’on surnommé les Américains, que ceux qui ont marqué, influencé, participé, contribué à l’ascension du crooner. Une vie riche, contrastée au cours de laquelle Sinatra aura fréquenté les hommes qui tenaient le haut du pavé politique et artistique que ceux qui gravitaient autour de la pègre.

Les femmes auront joué une part indispensable dans l’existence de Franck, comme les deux montants d’une échelle sociale qui le conduira au firmament de la célébrité. La première d’entre elle, c’est Dolly, sa mère, qui se montre possessive, désirant que son unique rejeton se distingue des enfants qui habitent le quartier. Il n’a pas le droit d’aller jouer avec ces sacripants, il est toujours bien habillé, car Dolly cultive la propreté. Du corps et de l’esprit. « Jurons et blasphèmes, pourtant, ne sont pas sa seconde nature. Preuve en est qu’elle récure la bouche de son enfant au savon noir, quand d’aventure un vilain mot s’en échappe ». Maternelle et dominatrice, serviable et arrogante, Dolly gère d’une main ferme la famille, et le jeune Franck, même s’il s’ennuie à regarder par la fenêtre de l’appartement, agenouillé sur une chaise, les gamins jouer dans la rue. Le samedi après-midi, le seul moment où il ne va pas à l’école, il rejoint sa mère qui travaille dans une confiserie. Une occupation qui accapare Dolly, le reste du temps étant consacré à parcourir les chemins avec sa trousse, pour le compte de la mairie ou de sa propre initiative, car elle « racole » pour les démocrates. Il mange quelques-uns des chocolats que confectionne sa mère puis tous deux vont au cinéma. Frank craint et aime sa mère tout à la fois. Et le jour où il entend dans la cour de l’école des abominations la concernant, il se bat tout en essayant de protéger ses vêtements. Il récidivera à plusieurs reprises, se forgeant une réputation, sous des abords d’enfant doux et timide, de dur. Ce n’est pas parce qu’il est habillé comme un petit Lord Fauntleroy que Franck voit la marmite déborder d’aliments succulents. Il mange à sa faim, des pâtes très souvent, c’est bon contre la tuberculose affirme la grand-mère maternelle, ignorant que la note d’épicerie est réglée par la grand-mère paternelle. Le père est le plus souvent au chômage, trouvant de temps à autre de petits emplois en tant que docker, cordonnier, chaudronnier ou autre, et accessoirement affrontant sur le ring des adversaires qui se montrent plus virulents que lui. Grâce aux magouilles de Dolly à la mairie, ils entrent en possession d’un estaminet ce qui est incompatible avec sa nouvelle fonction de sapeur-pompier, puisqu’un fonctionnaire municipal ne peut occuper être tenancier de bar. Les magouilles déjà. Alors que Dolly envisageait un fils ingénieur ou médecin, celui-ci la prend à contre-pied en écoutant vers ses quatorze quinze ans des « sussurreurs », « des charlatans de la radio ». Les études et Frankie ne font pas bon ménage et lorsque l’adolescent s’entiche de Bing Crosby, le crooner de l’époque, allant jusqu’à l’imiter dans ses moindres faits et gestes, sa mère, malgré ses réticences ne peut que se plier. Il obtient de petits engagements, non rémunérés, dans des orchestres locaux. Il n’est pas accueilli avec enthousiasme, loin de là, par un public tapageur, mais c’est un tenace et il parvient à convaincre sa mère de puiser dans sa réserve, une boîte à biscuits, afin d’acheter autre chose qu’un porte-voix pour chanter, ustensile utilisé par les chanteurs pour couvrir alors les instruments de l’orchestre, mais également des partitions, même s’il « n’aurait pas distingué une clé de sol d’une poêle à frire », partitions qu’il fournit aux orchestres susceptibles de l’accompagner, une économie pour les uns, la promesse d’un engagement pour l’autre. Et c’est ainsi que peu à peu, ayant acquis sa mère à sa cause, que le jeune Franck parvient à s’imposer. En 1935, il a à peine vingt ans, le jeune Sinatra fait partie des Hoboken Fours et en 1939 il est engagé par Henri James avec lequel il enregistre une dizaine de titres. Puis il est recruté par Tommy Dorsey en 1940 et entame à partir de 1942 une carrière solo. En 1943 c’est sa première apparition au cinéma.

Si Dolly fut son mentor, il ne faut pas oublier non plus les femmes qui jalonnèrent la vie de Franck Sinatra : Nancy Barbato, mère de Nancy la chanteuse, Mia Farrow, Barbara Marx, qui l’accompagna de 1976 sa mort. Mais la plus importante fut bien Ava Gardner, avec laquelle il fut marié de 1951 à 1957. Une liaison houleuse, tout deux étant de fortes personnalités. Mais ces épisodes ainsi que ceux retraçant les accointances de Franck Sinatra avec la Mafia, disons certains des membres de cette association de gangsters d’origine italienne, surtout Lucky Luciano dont il fut un ami proche, liaison qui laissa court à de nombreuses interprétations, mais aussi avec des hommes politiques, les Kennedy bien évidemment, mais aussi les Grimaldi, ami proche de Grâce Kelly il fut le parrain de Stéphanie de Monaco, tout cela, Alain Gerber vous le racontera beaucoup mieux que moi. Alors en conclusion je vous incite à lire cet ouvrage qui, et Alain Gerber nous le précise fort opportunément dans son avertissement, « n’est en aucune façon une biographie ». Certes, il était bon de l’écrire mais il faut également préciser qu’Alain Gerber s’est inspiré de faits réels et avérés, notamment de l’ouvrage de Richard Havers : Sinatra, publié en France en 2005.

 

Paul Maugendre

 

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