Gwenaëlle LENOIR : Petites morts à Gaza

Editions Nuits Blanches.

Gwenaëlle LENOIR : Petites morts à Gaza. Editions Nuits Blanches.

 

Alors qu’il croyait sa sœur Marwa traîner dans les libraires du Caire ou lécher les vitrines des échoppes, Maher est choqué d’apprendre à la télévision que la jeune fille vient de perpétrer un attentat à Tel-Aviv, attentat au cours duquel elle a perdu la vie. Maher et sa jeune sœur Marwa, le commissaire Taysir et sa sœur Salwa, formaient une petite bande très soudée, à tel point que Marwa était fiancée à Taysir et Salwa à Maher. Depuis que Marwa est devenue Istishhadat, tombée en martyre, tout a volé en éclat. Maher et Taysir se font la tête, ne possédant pas la même approche des événements, et Salwa a rompu. Maher, qui se remonte le moral à grandes doses d’alcool, est directeur d’une agence de presse arabe renommée et outre le glanage d’informations il joue le rôle de fixeur, c’est-à-dire de guide, pour les reporters étrangers. C’est ainsi qu’il s’est lié d’amitié avec Lola, camérawoman qui parle couramment l’arabe et use volontiers de l’argot pour mieux se faire comprendre, et Karl, le grand Noir, tous deux Américains en place sur la bande de Gaza. Maher rumine, il ne comprend pas pourquoi sa sœur, qu’il pensait pacifiste ou tout au moins éloignée de la politique, est devenue une terroriste. Qui l’a manipulée, telle est la question qui trottine dans sa tête. Taysir est occupé à démêler une sombre histoire de meurtres. Le cadavre d’un homme a été retrouvé sur une plage, la tête explosée, les chevilles liées, le cou détaché du corps, le pantalon baissé sur les pieds, émasculé. Qu’avait donc pu faire ce jeune homme pour être ainsi laissé en cet état. Le docteur Hisham, un épicurien et un humaniste, officie en tant que légiste en plus de ses responsabilités de chirurgien. Peu après un second corps est découvert dans les mêmes conditions. Des mutilations qui ne correspondent à aucune coutume, ou tradition. Une enquête qui s’avère difficile mais qui n’occulte en rien celle que mène Taysir, découvrir qui a pu embrigader Marwa et l’envoyer à Tel-Aviv perpétrer un attentat.

Au-delà de cette double intrigue, Gwenaëlle Lenoir, qui est grand reporter à France 3, s’attache à décrire la vie quotidienne des habitants de la bande de Gaza, transformant l’ouvrage en docu-fiction très intéressant, plus qu’un banal documentaire. Les dissensions qui existent entre membres du Fatah et du Hamas, les diverses brigades qui s’interfèrent dans les escarmouches et se combattent entre elles échappant au contrôle militaire, les tirs de roquette permanents en provenance d’Israël, les drones qui maraudent tels de gros bourdons au dessus de la tête des civils, les carences de toute sorte, le ravitaillement en nourriture principalement, la peur présente jour et nuit polluant l’activité des civils. De petites astuces sont mises au point afin d’éviter les conflits, les affrontements entre les habitants de la bande de Gaza et les militaires israéliens, pas toujours couronnées de succès. Ainsi, page 42, peut-on lire : Avant, il fallait des heures pour passer, des jours, parfois des semaines. Des enfants se louaient, un euro, de part et d’autre du no man’s land, pour que les conducteurs ne soient pas seuls, et ne soient pas pris pour des conducteurs d’engin suicide. Mais cet artifice ne marche pas à tous les coups, et une fois de plus, on se rend compte que les enfants sont les premières victimes de la guerre et des guérillas, qu’ils soient consentants ou non.

 

Paul Maugendre

 

Citations :

Tu veux une analyse complète avec ma lampe de poche à 45 volts made in China que j’achète à la sauvette sur le salaire qui ne m’est pas versé depuis dix mois ?

-      Vous suivre avec la caméra ?

-      Sans, ce serait de votre part du pur voyeurisme, monsieur Karl Helew. Et vous n’êtes pas des voyeurs, vous les journalistes, n’est-ce pas ? Quand vous pointez votre caméra sous le nez de gens qui viennent de perdre leurs proches, vous ne faites que remplir votre digne mission d’information, n’est-ce pas ?

 

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