André FORTIN : Pitié pour Constance

Collection Polar Jigal, éditions Jigal.

André FORTIN : Pitié pour Constance. Collection Polar Jigal, éditions Jigal.

 

Avec constance, et quitte à défriser quelques grincheux qui n’acceptent pas que nos hommes (et femmes) politiques au pouvoir soient montrés sous leur vrai jour, André Fortin nous invite une fois de plus à le suivre dans son introspection dans les arcanes d’affaires d’état inavouables. Bien sûr, tout ce qui suit n’est que fiction, et friction, mais il n’est pas interdit de penser que sous l’intrigue se cachent des faits qui pourraient éventuellement se dérouler.

Un proverbe dit Tel père tel fils, mais un autre, en totale contradiction, affirme A père avare, fils prodigue. Et entre Albert Sicardi, député de droite soutenant la politique présidentielle sans se poser de questions, et sa fille Constance, qui a établi ses relations du côté de l’ultragauche, c’est la seconde maxime qui s’applique. Elle est devenue l’égérie d’un groupuscule installé dans les Cévennes, et participe activement en soutenant les grèves, les ouvriers, les occupations d’usines, tout ce qui dérange la société bien pensante et surtout le pouvoir en place. Lors d’un meeting à Marseille, ville dont elle est native et dont son père est député, elle focalise sur elle l’attention des participants, supplantant la gauche traditionnelle. Des agents de la DCRI sont là en tant qu’observateurs, et ceux-ci remarquent dans la foule un de leurs collègues, ancien des RG avant d’avoir été recruté par la DST lorsque ces deux entités étaient séparées, un homme qui n’a pas bonne presse. Or la jeune femme est enlevée en pleine ville par des individus qui se déplacent en 4X4. Le procureur de la république est fortement embarrassé, car le contexte politique lui enjoint de marcher sur des œufs. Sicardi préfère rencontrer le juge Galltier, considéré comme l’un des représentants de cette mouvance qui fit jaser et que l’on appelle les juges rouges.

Le conseiller préféré du président, Vernier, est chargé d’organiser une cellule dite Cellule Grise afin de complaire à l’oncle Sam et mettre fin aux visées terroristes réelles ou supposées. Et après la mise en place de cette organisation secrète, Vernier est obligé de se salir les mains seul, le président passant à autre chose, comme s’il n’était plus concerné. Vernier appartient également à une autre mouvance occulte, la Nouvelle Ligue, dont le Grand-Maître professe des idées de droite, pour ne pas dire de droite extrême. C’est sur les ordres de ce Grand-Maître que Constance a été kidnappée, puis séquestrée à Barcelone par des hommes de la Cellule Grise.

Les affres de Sicardi, les louvoiements du procureur, l’entêtement de Galtier, les hommes de l’ombre, la force de caractère de Constance, font de ce roman un thriller, le mot est à la mode, disons une politique fiction, diablement efficace. Les petits coups assénés par ci par là font du bien. On n’est pas dans ce que certains appellent le politiquement correct, mais dans un roman écrit par un auteur qui juge (il l’est dans la vie professionnelle !) sans complaisance le pouvoir politique. Ainsi peut-on lire « C’était l’époque où le nouveau chef de son parti (celui du député), brûlant les étapes d’une évolution mortifère déjà bien entamée, avait érigé en système électoral l’hypocrisie, le faux-semblant, le pur mensonge même ». Difficile d’être plus explicite. Un peu plus loin, Sicardi déclare : « Ces ultragauchistes, on leur met sur le dos tout ce qui, en France, peut ressembler à un acte terroriste ou de sabotage. C’est bien commode… ». On ne peut s’empêcher de penser à ces arrestation opportunes de Tarnac, affaire qui aujourd’hui est oubliée des médias mais toujours pas résolue. Quant à Sicardi, l’enlèvement de sa fille lui fait réviser son jugement et ses opinions politiques. Autre chose : la littérature nordique n’est pas la préférée de Galtier : « j’étais depuis peu dans les plumes avec un bon polar nordique dans les mains, mais la description du temps pourri qui caractérise ces pays septentrionaux, l’horreur du crime, les ennuis personnels de l’enquêteur avec son unique enfant, toxicomane, sa mauvaise santé à lui, le manque de soutien de sa hiérarchie et sa solitude abyssale avaient commencé à m’affecter le moral, moi qui, étant un peu de la partie, ai tendance à m’identifier au héros peut-être plus facilement qu’un autre ». Alors un bon polar méridional, ça ne peut que donner le moral.

 

Paul Maugendre

 

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