Lorsque Portrait sort le 11 octobre 2024, Samara Joy n’est plus seulement la révélation jazz de la décennie : elle est déjà une figure incontournable, acclamée par la critique et saluée par ses pairs pour sa maîtrise du répertoire classique et son sens profond de l’interprétation. Cet album, enregistré avec son ensemble de sept musiciens dans le légendaire Van Gelder Studio, capture non seulement une chanteuse exceptionnelle, mais une artiste qui réfléchit à sa place dans l’histoire du jazz tout en projetant sa voix vers l’avenir.
L’un des aspects les plus marquants de Portrait est sa manière de revisiter des standards avec une sensibilité très personnelle. L’album s’ouvre sur “You Stepped Out Of A Dream”, dont l’interprétation met immédiatement en lumière le spectre vocal de Joy, capable de naviguer entre douceur et puissance dans un même souffle. Les harmonies du groupe et l’arrangement délicat donnent à ce morceau une dimension presque cinématographique, illustrant à quel point chaque note est pensée pour servir à la fois l’émotion et la tradition.
Sur “Reincarnation Of A Lovebird (Pursuit of a Dream)”, Samara Joy s’empare d’un thème de Charles Mingus avec respect mais aussi une certaine audace. Alors que le matériau originel est déjà riche, sa version respire et s’étire, laissant place à des improvisations subtiles et à une expressivité qui rappelle que le jazz reste un art vivant, en mouvement. “Autumn Nocturne” fait quant à lui la part belle à une orchestration plus intime où chaque instrument trouve sa place sans jamais étouffer la voix.
L’album ne se limite pas à des reprises : on y trouve aussi des incursions vers l’écriture personnelle, comme sur “Peace Of Mind / Dreams Come True”, une pièce co‑écrite par Joy où se confrontent réflexion introspective et lyrisme jazz. Ce mélange entre tradition et innovation donne au disque une dynamique rare : chaque titre agit comme une fenêtre sur une facette différente de sa musicalité.
L’autre dimension essentielle de Portrait est la complicité palpable entre Samara Joy et son groupe. Après avoir peaufiné ces arrangements lors de longues tournées internationales, l’enregistrement en studio reproduit cette osmose qui naît de l’expérience live. La cohésion du collectif donne au disque une chaleur et une spontanéité qu’on ressent à chaque instant, comme si l’on assistait à un concert intimiste capté en prise directe.
Ce projet marque un tournant dans sa carrière : là où ses premiers albums proposaient des interprétations impeccables de standards, Portrait affirme une vision artistique plus complète, celle d’une musicienne qui compose, arrange, et s’implique totalement dans chaque détail de son œuvre. Cette évolution lui permet d’établir un pont entre les grandes figures du passé — Ella Fitzgerald, Billie Holiday ou Sarah Vaughan — et une nouvelle génération de jazz vocal qui ne se contente pas de reproduire le passé mais cherche à le réinventer.
