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Max OBIONNE : Scarelife

Collection Forcément Noir. Editions Krakoen.

 

Une lettre écrite à l’encre bleue, reçue par Mosley et celui-ci sent que sa vie vient de basculer. La dernière fois qu’il a reçu ce genre de bafouille, c’était dix ans auparavant, alors qu’il était au pénitencier. Depuis il s’est installé dans le Montana, en compagnie de Bess, ancienne actrice d’une série télévisée qui eut son heure de gloire. Mais Bess a forci, n’est plus la jeune première prometteuse, et son caractère a évolué. Mosley écrit des scénarii de dessins animés plus ou moins débiles, mais les jeunes s’en contentent, alors pourquoi être plus royaliste que le roi.

Il s’est attelé aussi à un biopic sur David Goodis, l’auteur de Cauchemar, Lune Blafarde et combien titres tous empreints de désespérance. Mosley décide de partir à Rochelle, en Louisiane, retrouver ce père qu’il déteste. Il plaque Bess, n’emportant avec lui qu’un cahier, des crayons, et quelques bricoles dont une bouteille de Bourbon. Si seulement ses mains ne le démangeaient pas, cela irait, mais il est obligé de porter en permanence des gants. Des mains qui le démangent au propre comme au figuré. Sacré eczéma physique et mental.

Le voyage est long du Montana jusqu’en Louisiane, et il ne peut se déplacer que par voie terrestre, ayant une phobie de l’avion. Dans le car qui l’emmène vers le Sud, il fait la connaissance d’une jeune femme, très jolie, mais il ne pouvait en être autrement sinon l’aurait-il remarquée, et répondu à sa proposition de l’héberger pour la nuit. Il accepte, tout heureux de pouvoir se reposer dans un lit, même déjà occupé par quelqu’un d’autre. Faut avouer qu’elle est bien esseulée la pauvre, son mari vit dans une chaise roulante, paraplégique, à moitié sourd et à moitié muet, une reconnaissance de l’état en remerciement de ses bons services en Irak.

Et comme c’est un bon gars Mosley, il débarrasse son hôtesse, qui ne lui a rien demandé, d’un mari devenu encombrant en simulant un accident alimentaire. Son premier meurtre sur la longue route qui le conduit à Rochelle. Car si son odyssée est pavée de bonnes intentions, elle est aussi pavée d’assassinats. Il n’y est pour rien, c’est son destin qui le guide dans des coups fourrés. Bientôt il apprend qu’une de ses vieilles relations, le policier Herbie Erbs, celui qui l’avait arrêté et traîné au tribunal, d’où son enfermement dans un pénitencier qui n’a pas assez longtemps au goût du policier, est à nouveau à sa recherche. Sur ses traces, car Erbs est comme les chiens dont Mosley a horreur, quand il a une proie entre les dents, il ne la lâche pas.

 

Max Obione excelle dans ses histoires, forcément noires, et ce nouvel opus ne déroge pas à cette règle. La road story de Mosley s’inscrit dans l’une de ces réussites qui prouvent que les Américains n’ont pas l’apanage de ce genre d’histoires, et qu’il n’est nul besoin de s’échiner sur 800 pages et plus pour construire une histoire prenante, épurée presque, aussi bien dans l’écriture du récit que dans les dialogues. Un style solide qui parfois s’apparente au staccato d’une mitraillette. Avec des personnages croqués en quelques lignes qui se suffisent. Max Obione offre aux lecteurs quelques bonus, dont les pages extraites du scénario sur David Goodis, scénario qui pourrait être un calque de la vie de Mosley dont on n’apprend qu’à la fin sa motivation à entreprendre un voyage retour vers le père honnit.

Mais comme si l’épilogue ne se suffisait pas à lui-même, l’auteur en ajoute un second, qui complète le premier et le transcende. Un véritable plaisir de lecture.

 

Paul Maugendre

 

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